16 février 2010

Ocytocine: l'hormone qui pourrait réduire l'isolement social dans l'autisme ?

Résumé de G. M.

Ces dernières années, des équipes de recherche se penchent sur l’influence de l’hormone ocytocine sur l’autisme. Les études portant sur les taux sanguins d’ocytocine indiquent que les enfants atteints d'autisme présentent des taux sanguins faibles d'ocytocine ; ces niveaux n'augmentent pas avec l'âge. Les études menées par l’équipe de recherche d’Eric Hollander ont montré que des injections d'ocytocine réduisaient les comportements répétitifs.

En 2006, une nouvelle étude menée par Eric Hollander et al., montrait que des adultes présentant un trouble du spectre autistique traitent et retiennent mieux les indices sociaux après avoir reçu des injections d'ocytocine: 15 adultes avec autisme ont reçu soit un placebo, soit de l’ocytocine.Après avoir écouté, des phrases préenregistrées enregistrées selon quatre intonations différentes (joie, indifférence, colère tristesse), ils devaient pointer les mots qui correspondaient le mieux aux émotions qu'ils avaient perçues. Deux semaines plus tard, les injections étaient inversées, les participants qui avaient initialement reçu le placebo recevaient de l’ocytocine et ceux qui initialement avaient reçus de l’ocytocine recevaient un placebo. Un nouveau test de reconnaissance des émotions étaient administré. La recherche a montré chez tous les patients des améliorations dans la compréhension verbale des émotions. Un différence entre les deux groupes apparaissait tandis que le groupe ayant reçu l'ocytocine continuait d’associer la signification émotionnelle aux intonations entendues lors du test de compréhension". Suite à cette étude, Hollander et son équipe décident de tester les effets d'un spray intranasal d’ocytocine sur les comportements autistiques. Le spray est plus facile à administrer et pourrait permettre une meilleure pénétration de la barrière céphalo-rachidienne. »

Depuis 2006, les résultats d’études portant sur l'administration intra-nasale d'ocytocine montrent qu’elle augmente la confiance dans les interactions. Les recherches suggèrent que l'ocytocine atténue les réactions de l'amygdale (région du cerveau sollicitée dans les réactions de peur) face aux situations sociales menaçantes.
En mai 2007, les résultats d'études préliminaires menées au centre médical Mount Sinai à New York indiquent que l’ocytocine amène des changements dans le comportement et le fonctionnement du cerveau chez des adultes autistes. Les images de l’activité cérébrales mettent en évidence une amélioration dans les régions du cerveau connues pour être impliquées dans l’autisme.

Fin 2009, Simon G. Gregory de l’Université Duke et Jessica J. Connelly de l’Université de Virginie communiquent sur la découverte d’une nouvelle signature génétique fortement corrélée avec l’autisme. Cela ne concerne pas des changements dans la séquence de l'ADN mais la façon dont les gènes sont activés et désactivés. Chez les personnes autistes ils trouvent une plus grande quantité de molécules, dites du groupe méthyle, qui jouent un rôle de régulation de l'activité génétique dans une région du génome qui régule l'expression du récepteur de l'hormone ocytocine. Dans les échantillons sanguins et dans les tissus du cerveau, l’état de méthylisation de régions spécifiques au gène du récepteur de l’ocytocine est significativement plus élevé chez une personne atteinte d’autisme (70%) que dans la population générale (40%). Cette découverte pourrait suggérer de nouvelles approches pour le diagnostic et le traitement de l'autisme ; elle permettrait de repérer dans la population des personnes avec autisme, lesquelles sont susceptibles de mieux répondre à un traitement à l’ocytocine.

En février 2010, les résultats prometteurs de l’équipe du CNRS, dirigée par Angela Sirigu, suite à l’administration, par voie intra nasale , d’ocytocine à des personnes avec autisme ouvrent de nouveaux espoirs pour la diminution de leur enfermement social.
L'équipe d'Angela Sirigu testé l'hypothèse selon laquelle une déficience en ocytocine pourrait être impliquée dans les problèmes sociaux des autistes. En collaboration avec le Dr Marion Leroyer, de l'hôpital Chenevier à Créteil, ils ont observé le comportement social pendant des jeux et des tests de reconnaissance de visages exprimant différents sentiments suite à l’a administration de l'ocytocine chez 13 patients souffrant d'un autisme sans déficience cognitive.

L’observation porte sur le comportement des patients avec trois personnes lors d'un jeu de balle. Le premier joueur a pour consigne de renvoyer toujours la balle au patient, le second ne renvoie pas la balle, le troisième renvoie indifféremment la balle au patient ou aux autres. À chaque fois que le patient reçoit la balle, il gagne de l'argent. La situation est reproduite 10 fois afin de permettre au patient d'identifier les différents profils de ses partenaires et d’agir en conséquence. Sous placebo, les malades renvoient la balle indistinctement aux trois partenaires. Sous ocytocine, les patients renvoient la balle au partenaire le plus coopérant, démontrant une capacité à établir des relations sociales en lien avec les profils des joueurs.

La recherche portait aussi sur le degré d'attention aux signaux sociaux des patients dans le cadre de l’observation de photos représentant des visages. Les études traitant des signaux sociaux montrent que les personnes avec un autisme portent préférentiellement leur attention sur les bouches et négligent les yeux. Cela reste vérifié lorsque les patients sont sous placebo ; ils focalisent leur attention sur la bouche ou en dehors de la photo. Cependant, après avoir inhalé de l'ocytocine, ils regardent les visages, notamment les yeux, ce qui constitue un réel progrès. Pendant la passation des tests, les chercheurs mesurent les taux d'ocytocine plasmatique avant et après la pulvérisation nasale. Avant la pulvérisation nasale, le taux d'ocytocine était très bas. L'inhalation le multiplie par 2,5 mais il reste malgré tout, huit fois plus élevé chez le sujet sain que chez le sujet avec autisme.

Commentaire
Les résultats des études sur l’ocytocine montrent l’intérêt de l’utilisation de cette hormone pour développer les compétences sociales des personnes avec autisme. Il faudra cependant attendre encore un peu pour savoir si toutes les personnes avec autisme peuvent tirer bénéfice de l’inhalation d’ocytocine, quels sont les mécanismes qui atténuent le taux d’ocytocine dans le cerveau et est-ce irréversible, quels sont les protocoles a observer pour l’inhalation, quelle posologie, quelle durée d’action, quelle est la stabilité dans le temps des apprentissages sociaux travaillés sous ocytocine dès lors qu’on supprime le traitement, quelle est la nocivité du traitement, quelle est la posologie, etc.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Mère d'un jeune autiste de 19 ans présentant une carence de langage, de grosses crises d'angoisse et d'automutilation, je suis pleine d'espoir face à cette découverte. Comment de renseigner sur l'évolution de cette recherche et son application sous forme de médicament ?

Mme Romero

JK a dit…

Le passage d'une étude encourageante à la confirmation et la distribution d'un traitement efficace est un parcours long et difficile.
Nous suivrons les nouvelles concernant l'utilisation de cette molécule en attendant.

jean29 a dit…

Une critique sur le sujet par Michelle Dawson. Faut-il un remède contre l'altruisme ?
http://autismcrisis.blogspot.com/2010/02/oxytocin-versus-autism-cure-for.html

Traduction en français
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?p=27547#p27547

Anonyme a dit…

Père d'enfant autiste
comment peut on avoir cette molécule

JK a dit…

Comme je l'ai déjà répondu à une autre personne, le passage d'une étude encourageante à un véritable traitement éprouvé est un parcours complexe.
Il est bien sûr hors de question de mettre sur le marché libre une molécule avec de tels effets, ni de pratiquer l'automédication.

Anonyme a dit…

L'ocytocine est une hormone naturelle que tout le monde peut secréter et notamment les femmes lorss de la grossesse et l'allaitement. Il s'git de l'hormone dite de "l'attachement" que l'on sécrète lors d'une relation amoureuse et de contacts physiques tels que les caresses. Ainsi, en attendant le spray commercialisé, je vous invite à approcher votre enfant autiste sous forme de massages, caresses et câlins et de développer cette approche peu à peu dans le cas où des problèmes de sensibilité tactiles apparaissent chez la personne autiste. J'ai appliqué cette méthode avec mon fils autiste sur les conseils de mon ostéopathe et maintenant, il me demande le câlin dès qu'il est contrarié ou angoissé, c'est une thérapie qui l'a beaucoup fait évoluer !!! Bonne chance !