17 mai 2012

Le régime dans l'autisme : un modèle d'ésotérisme

Merci au professeur Jean-Louis Bresson qui nous autorise à diffuser son article sur les régimes dans l'autisme. 

Le régime dans l'autisme : un modèle d'ésotérisme 
Jean-Louis Bresson Hôpital Necker, Paris Professeur à l’Hôpital Necker Enfants Malades, Centre d’Investigation clinique mère-enfant, Paris -
Université René Descartes, Paris 
Jean-Michel Lecerf - Institut Pasteur de Lille 
Membres du groupe scientifique sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies (NDA) de l’EFSA 

L’autisme de l’enfant reste un défi majeur pour les familles concernées
Les interventions disponibles ne constituent pas un traitement curatif et si des progrès importants sont possibles, la disparition complète des symptômes reste rare. Face aux limites de la prise en charge actuelle et aux frustrations qu’elles peuvent engendrer, de nombreux parents se tournent vers des prises en charge alternatives, dont les régimes d’exclusion, d’autant plus volontiers qu’ils les perçoivent généralement comme dépourvues de danger. L’AFSSA a mené en 2009 une évaluation de l’efficacité et de l’innocuité des régimes sans gluten et sans caséine, de plus en plus souvent proposés aux enfants autistes. 

Efficacité et innocuité du régime sans gluten et sans caséine au cours de l’autisme 
  • Efficacité du régime sans gluten et sans caséine.
Il a été possible d’identifier 9 articles, relatifs à 8 études, ayant pour objectifs d’évaluer les effets d’un régime sans gluten et/ou sans caséine chez des enfants autistes. Quatre articles proviennent d’un même groupe. 
Six des 8 études identifiées présentent des défauts méthodologiques tels que leurs résultats ne peuvent être pris en considération. Une septième étude applique une méthodologie qui fait défaut dans les précédentes : groupe contrôle (enfants autistes sans régime) et attribution du traitement par tirage au sort. Cependant, le traitement est conduit à la connaissance et avec la participation des parents et des éducateurs qui sont aussi directement impliqués dans l’évaluation des résultats. 
Une seule étude répond aux critères minimums requis pour aboutir à un essai clinique de qualité : groupe contrôle (enfants autistes sans régime), attribution du traitement par tirage au sort et double insu. Cette étude ne montre aucune influence du régime sur la symptomatologie autistique. 
Les données scientifiques actuelles ne permettent donc pas de conclure à un effet bénéfique du régime sans gluten et sans caséine sur l’évolution de l’autisme.

  • Innocuité du régime sans gluten et sans caséine.
 Il n’existe pas de donnée sur la croissance ou l’état nutritionnel des enfants autistes soumis à un régime sans gluten et sans caséine. Il est donc impossible d’affirmer qu’un tel régime soit dépourvu de conséquence néfaste à court, moyen ou long terme. La mise en place d’un régime d’exclusion (par exemple, exclusion du gluten dans la maladie coeliaque) comporte toujours un risque pour l’état nutritionnel et la croissance d’un enfant.
L’exclusion simultanée de deux importants groupes d’aliments (ceux qui contiennent du gluten et ceux qui comportent des protéines du lait de vache) ne peut qu’accroître sensiblement cet aléa, d’autant que ce régime pourrait avoir une influence défavorable sur la consommation alimentaire des enfants autistes. 
Il faut insister sur le fait qu’il n’y a aucune raison d’encourager ce type de régime. Cependant, si un tel régime est mis en place, les conséquences nutritionnelles potentielles imposent une surveillance attentive par des médecins qualifiés. L’apparition de conséquences nutritionnelles indésirables devrait conduire à abandonner un régime dont on ne peut attendre de bénéfice.

Arguments indirects avancées à l’appui du régime sans gluten et sans caséine 
  • Régime sans gluten et sans caséine et exorphines d’origine alimentaire. 
Le régime sans gluten et sans caséine a théoriquement pour but d’éliminer de l’alimentation les précurseurs (gluten et caséine) de peptides opioïdes (exorphines), dont la présence en excès au niveau cérébral serait responsable des symptômes de la maladie. En réalité, le régime sans gluten et sans caséine est loin d’éliminer toutes les sources d’exorphines. Selon les connaissances actuelles, l’exclusion effective des protéines comportant des séquences peptidiques à activité opioïde impliquerait l’exclusion de la quasi totalité des aliments, y compris le lait de femme dans lequel coexistent précurseurs et formes libres.
La présence de peptides dans les urines, notamment de peptides opioïdes, serait le témoin de leur passage en quantité anormale dans le sang des sujets autistes et constituerait une caractéristique de la maladie. Les méthodes de référence actuellement utilisées pour l’analyse des peptides et des protéines n’ont pas mis évidence de différence significative entre sujets autistes et sujets contrôles en termes de peptidurie. De plus, la caractérisation des peptides urinaires par les mêmes méthodes n’a pas permis d’identifier de peptides opioïdes dans les urines des sujets autistes. En conséquence, l’analyse des peptides urinaires ne saurait être considérée comme un élément du diagnostic de l’autisme, ni comme un examen utile à sa surveillance ou à l’évaluation de sa prise en charge. 
Enfin, la plupart des études réalisées à ce jour n’a pas démontré de modification sensible des symptômes de la triade autistique en réponse aux antagonistes opiacés. L’hypothèse d’un rôle central des peptides opioïdes dans l’apparition et/ou l’évolution des troubles autistiques paraît difficilement conciliable avec l’absence d’effet des antagonistes opiacés sur la triade clinique caractéristique de l’autisme.

  • Autisme et troubles digestifs ou de la perméabilité intestinale. 
Certaines publications suggèrent que les troubles digestifs et/ou de la perméabilité intestinale sont particulièrement fréquents au cours de l’autisme. Cela favoriserait le passage dans le sang des exorphines.
Il n’existe aucun élément indiquant que l’autisme soit associé aux maladies inflammatoires chroniques du tube digestif et sa coexistence avec la maladie coeliaque n’est que fortuite. Il est également très difficile de défendre la réalité d’une pathologie inflammatoire qui serait spécifiquement associée à l’autisme ou même à un de ses sous-groupes. D’autre part, la prévalence de l’allergie aux antigènes alimentaires semble comparable à celle de la population générale et les résultats les plus récents ne montrent pas d’altération manifeste de la perméabilité intestinale. 
Finalement, les données disponibles ne permettent pas d’affirmer que la prévalence des troubles digestifs chez les enfants autistes soit supérieure à celle qui est observée dans la population d’enfants de développement normal. 

En conclusion, les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure à un effet bénéfique du régime sans gluten et sans caséine sur l’évolution de l’autisme.
Il est impossible d’affirmer que ce régime soit dépourvu de conséquence néfaste à court, moyen ou long terme. Les arguments indirects avancés à l’appui de ce type de régime ne sont pas étayés par des faits validés. 
Il n’existe donc aucune raison d’encourager le recours à ce type de régime. 
Le corps médical devrait être mieux informé de la nature des prises en charge alternatives utilisées dans l’autisme, afin de pouvoir aborder librement ce sujet avec les familles des enfants malades. Cela permettrait de répondre en partie à leur besoin d’information et, en cas de recours à une PCA, d’éviter qu’il ne s’effectue en dehors de toute assistance médicale. 

Référence

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